Week End F.R.B sur la Granvillaise 13 et 14 octobre 2006
Caractéristiques de La Granvillaise G 90
Longueur de coque 18,28m
Longueur hors tout 32,30m
Largeur de coque 4,76m
Tirant d'eau 2,75m
Surface de voilure route 33Om²
Surface de voile régate 380m²
Moteur Baudouin 75cv de 1954
Déplacement 55 Tonnes
Propriétaire armateur Association des Vieux Gréements Granvillais
Photo Sophie Launey
Les Photos
Arraial
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G(ér)ard vidéo
Alain Fosse vidéo
Gérard au Tiers vidéo
Yag vidéo
Sophie vidéo
Armel vidéo
Amédée vidéo
Yann
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De notre envoyé spécial
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S’il faut en croire François Villon, “Il n’est de bon bec que de Paris”;
oserai-je paraphraser le poète en ajoutant “Il n’est de bonne bisquine que de
Granville” ?
Une poignée de valeureux a, une nouvelle fois, pu le constater, le week-end
dernier en embarquant pour -le mot n’est pas trop fort- une croisière de rêve.
Un rôle d’équipage de tout premier choix réunissait la fine fleur de la voile
frbiste. Qu’on en juge :
Les GM d’abord (Gentils Marins), dans le désordre le plus complet : Claudie et
Yann Le Bihan (Yann), Martine et Gérard Ozouf (G(é)rard), Myriam et Yves
Guitschula (Yag), Gérard Staron (Gérard au tiers), Armel Yviquel (Armel), Régis
Doucet (@rr@ial) et le rédacteur-fou de ces piètres élucubrations.
Dans le rôle de GO (Graves Obsédés de la manoeuvre) : Sophie Launey (Sophie L),
Patrick ”Amédée” Hardy (ph) ; tout ce petit monde évoluant sous la houlette du
patron, Mathieu Alluin, efficacement secondé par Jeff Levasseur.
Les présentations faites, les consignes de sécurité assimilées, il était temps
d’appareiller pour de nouvelles aventures... Par belle mer et petit vent d’Est,
le bel oiseau franchit majestueusement le seuil du port de Granville.
Enfin, bel oiseau, pas encore tout à fait car lui manquait encore son plumage,
sa garde-robe ou, si vous préférez, son taillevent (la grand’voile en fait), sa
misaine, ses grands et petits huniers et, pour faire bonne mesure, son foc et
son tape-cul. En gros, plus de trois cents mètres carrés, soit près de la moitié
de la surface de l’appartement du regretté Gaymard, prématurément ravi à notre
affection et à son poste de ministre.
On dit les Normands près de leurs sous, mais on l’occurrence ils n’ont pas
mégoté sur le grammage de la toile ! Si encore, elle était libre ça irait, mais
tout le bataclan est transfilé sur de robustes espars, genre pitchpin, qui
pèsent comme un âne mort et qu’il faut, coûte que coûte, envoyer dans les hauts
à la seule force des bras, sans le moindre “moulin à café”, ni le plus minuscule
winch , ne parlons même pas d’un “ouinche” d’époque, qui pourtant n’eût pas
déparé et existait sur les bisquines d’époque.
Rien, on vous dit, rien ! Nada, nib de nib ! Des poulies en bois vaguement
suiffées, aux noms engageants et évocateurs, du genre “la faiseuse de veuves”;
des bouts, encore des bouts : drisses, écoutes, martinets, j’en passe et des
pires. Et que je te tire, que je te hale, que je te bloque, que je t’apique...
Heureusement, tandis que le patron et son second dispensaient leurs ordres et
veillaient à ce que la manoeuvre présente un semblant de cohésion, “Amédée” et
Gérard Staron, surnommés depuis les “ouinches humains”, payaient largement de
leur personne en souquant comme des forcenés sur tout ce qui leur tombait sous
la main. Les autres, suivant qu’ils avaient déjà donné lors d’une précédente
expérience ou non, tiraient avec plus ou moins de vigueur, camouflant leur
manque de motivation sous de violents rictus d’effort. Les plus malins -un
surtout, j’ai le nom-, se planquaient derrière le viseur de leur appareil photo
sous le fallacieux prétexte d’immortaliser cet instant unique.
Tel un vol d’hirondelles en partance pour la lointaine Afrique, gracieusement
regroupées sur le toit du dog-house abritant la salle des machines, les dames
couvaient d’un oeil admiratif (on peut toujours rêver...) ces mâles gaillards,
ces rudes marins à la mode d’autrefois. Sophie, elle, faisant partie des GO,
tirait vaillamment sur les bouts. Mais bon ! Elle aime ça...
Enfin parée de tous ses atours, poussée par une aimable brise d’est, la bisquine
mit le cap sur Chausey. Il était temps : midi sonnait et l’apéritif tombait à
pic (Ha non ! qu’on ne me parle plus jamais de pic !) pour réconforter
l’équipage. Le buffet campagnard qui s’ensuivit était à la hauteur des appétits
les plus exigeants et chacun s’employa à lui faire un sort.
Dame! L’avantage de la marine en bois, c’est que ça ouvre l'appétit et
qu’accessoirement ça donne soif.
Puisque nous en sommes aux “nourritures terrestres”, il faut rendre hommage aux
bénévoles qui on bien voulu se charger des courses, de la cave et de la
préparation des plats cuisinés. Les deux principaux artisans de cette impeccable
organisation étant l’ami Yann et l’incontournable Gérard Staron. Vins fins, mets
de choix : rien à envier, du moins à ce niveau, aux Croisières Paquet. On ne
doit pas manger si bellement et d’aussi bon appétit à bord du Mermoz.
Évidemment, côté prestations hôtelières, il y aurait un peu à revoir, mais ne
chipotons pas.
Rapidement Chausey-la-Magique fut en vue, et -ô surprise- “La Cancalaise”,
l’autre bisquine baguenaudait, elle-aussi, dans les parages. Tranquille, elle se
balançait au mouillage, à l’abri d’un tas de cailloux, les voiles carguées (on
appelle aussi ce type de mouillage “scandaliser” car, pour offrir moins de prise
au vent, on relève les voiles comme “les garces des quais” retroussaient
autrefois leur jupe ) .
Magnifique rencontre entre ces deux bâtiments, témoins d’un passé maritime
relativement proche mais déjà irrémédiablement révolu.
Bientôt la pioche tomba au fond du sound, cet étroit chenal qui longe la Grande
Ile et constitue le principal mouillage de l'archipel. Ce nom (qui, à Chausey,
se prononce “son” ou “sonde”) tire son origine du mot “sund” qui signifie
“chenal” en scandinave courant.
On peut gloser sur le côté riant du paysage (et certains mauvais esprits ne s’en
privèrent pas) et sur l’absence quasi totale de Macumba ou autres lieux de
perdition, mais, à moins d’être une véritable enclume, il est impossible de
rester insensible devant ce panorama à couper le souffle. Le paysage lunaire
est parsemé de rochers aux formes les plus diverses, propices à faire travailler
les imaginations; le temps s’est arrêté; le monde extérieur, là où tout n’est
que bruit et fureur, n’existe plus. Seul compte le moment présent, baigné dans
la fabuleuse lumière automnale. Des instants d’infinis, sorte de brouillon du
paradis... Pour que la fête soit complète, “La Cancalaise” s’en vint mouiller
aux côtés de son sister-ship. Vues de terre, les deux grandes barques, tirant de
concert sur leur ancre, renforçaient l’aspect intemporel du lieu.
Après une petite virée à terre dans l’espoir, cruellement déçu pour les plus
soiffards du groupe, de trouver un bistrot, le retour à bord coïncida avec
l’heure de l’apéritif vespéral, suivi d’un roboratif dîner qui nous permit de
rendre les honneurs au plat amicalement concocté par Yann: un travers de porc
accompagné, entre autres, de riz et de chorizo (costaud, le chorizo). Quant aux
fromages, c’est bien simple, ils venaient à vous tout seuls a l’appel de leur
nom : Camembert, Pont-Levêque et autres Livarot nous rappelaient d’entêtante
-mais délicieuse- manière que nous étions bien en Normandie.
Vint l’heure de se glisser dans les duvets pour un sommeil réparateur. C’était
sans compter sur le “ronfleur” de service que recèle inévitablement chaque
équipage. Le nôtre ne fit pas exception à la règle en la personne d’un virtuose,
maître dans la manière de prendre des tours et de se lancer dans des
accélérations fulgurantes. Là aussi, j’ai le nom, mais je ne cafterai pas !
Bref, ‘l’aurore aux doigts de rose”, chère à cette vieille barbe d’Homère, s’en
vint sur la pointe des pieds et nous trouva en assez pitoyable état, sauf le
ronfleur qui, lui, avait fait sa nuit et ne se doutait pas qu’il avait failli
passer de vie à trépas suite à un coup de sang nocturne de Régis que l’insomnie
tourmentait. Le petit déj. remit tout le monde (à peu près) d’aplomb, ce qui
tombait bien car, déjà, les impitoyables G.O. réclamaient des bras...
Sur le pont le vent soufflait, toujours d’Est, donc pile poil dans l’axe de la
route, à une bonne vingtaine de noeuds et c’est donc avec deux ris dans le
taillevent et sans ses huniers (toujours ça de pris!) que la belle se mit à
tailler bravement la route du retour. Ce fut une journée de voile comme on n’en
vit pas souvent dans sa vie. Un ciel superbe, le vent, les embruns, la gîte tout
était conjugué pour faire de ce retour sur Granville un accord parfait, exempt
de la moindre fausse note.
L’équipage, ravi, se répandait en considérations maritimes, techniques,
véliques. C’est ainsi que j’ai pu entendre, avec une certaine tristesse, notre
Gérard au tiers confier au second qu’il avait une vergue (enfin, son bateau, je
suppose) pas assez rigide et que cela le gênait un peu... Sur les entrefaites,
Armel, jouant les grandes coquettes et négligeant d’enfiler ses bottes et de
capeler son ciré, rôdant trop près d’un dalot transformé en pédiluve, faillit
prendre, gratos, le bain de pied du siècle, tandis que Gérard Ozouf, en Expert
en bâtiment qu’il est, réfléchissait à la meilleure manière de percer le pont
pour y installer quelques panneaux, qui, il faut bien le reconnaître, font
cruellement défaut.
Ces conditions un tantinet sportives n’empêchèrent pas le parfait déroulement de
l’apéritif mais, en revanche, rendirent plus qu’aléatoire la préparation du
célèbre “poulet au cognac” du deuxième coq du bord, Gérard Staron. Comme il
n’était pas question de se serrer la ceinture pour autant, une poignée de vieux
durs à cuire, des vrais, des tatoués, fut dépêchée dans la cambuse pour
avitailler la bordée d’en haut en sandwiches pâté ou rillettes, en assiettes de
viande froide-cornichons-moutarde, fromage et faire envoyer sur le pont
l’indispensable gwin ru. Le poulet, serait remis à plus tard, après être arrivé
au port...
Chapeau bas devant le courage et l’altruisme de ces intrépides mais ne les
plaignons pas trop : ils se soutinrent vaillamment à grand renfort de tartines,
de bordeaux ou de bourgogne : je le sais; j’y étais.
J’ai même été témoin d’un acte de dévouement peu courant. Notre ami Yag, assis à
la table du carré, s’étant découvert une irrésistible affinité élective avec une
bouteille de bourgogne (celui qui allait si bien avec le Camembert apprivoisé) a
fait tout ce qui était humainement en son pouvoir pour que le précieux flacon
échappe à la gîte prononcée et aux lois tristement inéluctables de la pesanteur.
Il a même poussé la sollicitude jusqu’à lui offrir refuge, verre après verre,
afin que le précieux liquide ne soit pas perdu. Je pense, que le soir, au
retour, Myriam a pris le volant. Quand les maris boivent, les femmes
trinquent...
Hélas, trois fois hélas, après quelques bords, Granville se profilait déjà à
l’horizon. Dernières manoeuvres et, à l’heure prévue, “La Granvillaise” embouqua
la passe pour regagner son ponton : la messe était dite (et pourtant, en dépit
de tous nos efforts, du vin de messe, il en restait !). Mais nous n’allions pas
nous quitter ainsi : Gérard se mit aux fourneaux, on fit un sort au fameux
poulet et, comme dans le premier album d’Astérix venu, tout se termina par
d’amicales agapes.
Chacun s’en repartit ensuite vers sa destination la tête bruissante de mille
images, gorgé de mer, de soleil, de voile, emportant le souvenir de cette
parenthèse enchantée, qui, deux jours durant a fait de bipèdes hétéroclites
(non, ce n’est pas un gros mot !) venus des quatre coins de l’Hexagone un “vrai”
équipage.
Évidemment, nous ne remercierons jamais assez notre Sophie nationale qui a
organisé cette équipée de main de maître; Patrick “Amédée”, infatigable “oinche”
et gai compagnon s’il en fut; Mathieu et Jeff, nos sympathiques tortionnaires et
tout l’élément féminin de cette odyssée qui, outre le fait d’apporter un peu de
“douceur dans ce monde de brutes”, à participé avec une bonne humeur sans faille
aux nombreuses vaisselles et autres tâches bassement ménagères
Vivement l’année prochaine... avec mes boules Quies.
Alain Fosse
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